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1Monseigneur, je receuz dernierement votre lettre par Augustin, vous merciant
2humblement la souvenance qu’il vous a pleu avoir d’escripre à la court
3pour notre payement du passé, de quoy vous promectz aurions bien besoing,
4aultant le cappitaine que les soldatz ; car jusques icy de troys
5ans et demy que j’ey servi, me sont deubz entierement trente moys
6et plus, tellement que, avec ce que ceste place m’a esté propre pour
7tenir hostellerie aux passantz, et cognoissantz ansemble d’autres
8despences qu’il y a convenu fère, y estant l’estat et moyen si petit,
9ne voys plus que je y puisse longuement endurer, mesmes que ne scey
10quel moyen tenir pour y entretenir les soldatz, estantz en si peu de nombre
11et la paye reduict si bas et aussi qu’il vous a pleu nous hoster
12le boys de La Garde que ne scavons comment entretenir, estant le lieu froit
13et si haustère qu’il est comme chacun scayt, que me donne grand peine pour ce que
14les soldatz ne pourront patir ; et mon estat qu’on m’a reduict pour
15fère le roy riche, à dix escus le moys, ne souffiroit pas seullement
16audit boys et messagers qu’il y fault mander de plusieurs coustez, quand
17le temps le requiert, pour entendre nouvelles et maintenir l’honneur
18et respect du service de sa magesté. Tant que jespère, avec votre
19congé que je vous supplie me donner, aller brief vers vous et à la court
20pour men acquicter le mieulx que je pourrey, ayant en premier votre
21bon advis s’il vous plaist, car il me semble que ma bonne volunté
22et mes petitz services ne meritent encor d’estre du tout obliez.
23Au reste, Monseigneur, tochant ce qu’il vous a pleu me comander
24vous mander mon advis sur ce que touche pour reduyre ceulx de
25Pragella, pour vous en parler rondement et sans sperer rien sur
26cest effect là, je n’y voys aultre chemin ne plus prompt
27expedient, pour les reduyre et fère hobeyr, que de y fère
28[v] ceste primevère les deux fortz, desquelz vous ay jà escript avoir
29esté ordonnez du temps du feu roy Françoys dernier, que Dieu absolve, dont
30l’ung se feroit au château de Mentolles, qu’ilz ont miné et faict
31soubstenir sus des pillotiz à poinct de mectre à terre, ce que pence
32n’auseront fère maintenant ; et demeurant encor comme il est se
33mectroit en ordre et en bonne deffence pour quatre ou cinq mil francz,
34ayant la ville de Mentolles close tout joingnant. L’aultre fort
35se feroit à La Sochière, distant dellà troys grandz lieues, où seroyent
36enfermez quatre ou six grandes maisons separéez des autres,
37tout à propos sur le grand chemin, au lieu plus convenable
38de toute la valée, avec sa fontaine dedans, où seroit requis
39seullement une cortine à carré pour enfermer le tout avec quatre
40torrelles pour flanquer ; que ce feroit pour dix ou douze
41mil francz ; ce que sa magesté ne doibt espargner pour si bonne
42occasion, oultre que le tout seroit bien remboursé pour
43ceulx qui desireroyent jouyr de leurs biens. J’açois que
44le meilleur seroit y fère une collonnie nouvelle, actendu
45leur meschante obstination, n’ayant jamais volu, avant
46les premiers troubles, obeyr ausdits arrestz de la court ;
47que ne se doibt oblier maintenant, voullant continuer
48comme ilz font. Ilz y preschent d’ordinaire en sept
49ou huict villaiges et ont plusieurs ministres, la pluspart
50estrangers, et disent qu’ilz obeyront au roy en tout, orsmis
51en cella que touche leurs consciences ; et me l’ont ainsi declairé
52naguières les plus principaulx, dont aulcuns se veullent
53[143] absenter, voyant le peuple si imbut et obstiné en ceste malheurté,
54tellement que pour leur fermer le commerce seullement, combien qu’il
55soit très necessaire pour les affoiblir et pour veoir cependent
56leur contenence, pour cella ne se reduyront jamais, d’autant
57que leur valée est attachée aux valéez d’Engrongne, de Saint-
58Martin et Luzerne, subgectz à son Altesse, qui ne larront pour
59toutes prohibitions de les secourir pour estre confederez, tout
60de noveau et tout d’une secte, comme ansemble sont la pluspart
61des valéez de Queyras et de Sezane, qui leur presteront tousjours
62la main comme ilz ont faict au passé, pour les favoriser de tout
63leur possible ; et fauldroit pour les engarder, une garnison
64de tous coustez ; et si y auroit affaire, car je cognoys le pays
65et les gens, et où vous treuverés à la fin autrement que ce dessus,
66quelques promesses qu’ilz facent. Je me soubzmectz à en porter
67la peine pour eulx, ou bien Notre Seigneur y mectroit la main
68dabonnessient pour les convertir et fère changer d’oppinion.
69Sur quoy je m’en remectz à son bon plaisir, m’asseurant que
70vous considerez le tout mieulx que ne vous scauroys escripre,
71me tenant sur ce tousjours prest pour obeyr à vous commandementz
72d’aussi bon cueur que je prie le Createur,
73Monseigneur, vous donner en bonne santé très longue et
74très heureuse vie. D’Exilles, ce XXIe octobre 1572.
75Votre très humble et
76très hobeyssant serviteur
77Lacasette