Consultation

XIX, folios:142 143
Arlaud, Jean, seigneur de Névache alias Jean-Louis Borel, dit La Casette
M. de Gordes
Lettre non liée
21/10/1572
Grenoble
Exilles

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Monseigneur, je receuz dernierement votre lettre par Augustin, vous merciant

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humblement la souvenance qu’il vous a pleu avoir d’escripre à la court

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pour notre payement du passé, de quoy vous promectz aurions bien besoing,

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aultant le cappitaine que les soldatz ; car jusques icy de troys

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ans et demy que j’ey servi, me sont deubz entierement trente moys

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et plus, tellement que, avec ce que ceste place m’a esté propre pour

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tenir hostellerie aux passantz, et cognoissantz ansemble d’autres

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despences qu’il y a convenu fère, y estant l’estat et moyen si petit,

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ne voys plus que je y puisse longuement endurer, mesmes que ne scey

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quel moyen tenir pour y entretenir les soldatz, estantz en si peu de nombre

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et la paye reduict si bas et aussi qu’il vous a pleu nous hoster

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le boys de La Garde que ne scavons comment entretenir, estant le lieu froit

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et si haustère qu’il est comme chacun scayt, que me donne grand peine pour ce que

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les soldatz ne pourront patir ; et mon estat qu’on m’a reduict pour

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fère le roy riche, à dix escus le moys, ne souffiroit pas seullement

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audit boys et messagers qu’il y fault mander de plusieurs coustez, quand

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le temps le requiert, pour entendre nouvelles et maintenir l’honneur

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et respect du service de sa magesté. Tant que jespère, avec votre

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congé que je vous supplie me donner, aller brief vers vous et à la court

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pour men acquicter le mieulx que je pourrey, ayant en premier votre

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bon advis s’il vous plaist, car il me semble que ma bonne volunté

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et mes petitz services ne meritent encor d’estre du tout obliez.

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Au reste, Monseigneur, tochant ce qu’il vous a pleu me comander

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vous mander mon advis sur ce que touche pour reduyre ceulx de

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Pragella, pour vous en parler rondement et sans sperer rien sur

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cest effect là, je n’y voys aultre chemin ne plus prompt

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expedient, pour les reduyre et fère hobeyr, que de y fère

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[v] ceste primevère les deux fortz, desquelz vous ay jà escript avoir

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esté ordonnez du temps du feu roy Françoys dernier, que Dieu absolve, dont

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l’ung se feroit au château de Mentolles, qu’ilz ont miné et faict

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soubstenir sus des pillotiz à poinct de mectre à terre, ce que pence

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n’auseront fère maintenant ; et demeurant encor comme il est se

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mectroit en ordre et en bonne deffence pour quatre ou cinq mil francz,

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ayant la ville de Mentolles close tout joingnant. L’aultre fort

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se feroit à La Sochière, distant dellà troys grandz lieues, où seroyent

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enfermez quatre ou six grandes maisons separéez des autres,

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tout à propos sur le grand chemin, au lieu plus convenable

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de toute la valée, avec sa fontaine dedans, où seroit requis

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seullement une cortine à carré pour enfermer le tout avec quatre

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torrelles pour flanquer ; que ce feroit pour dix ou douze

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mil francz ; ce que sa magesté ne doibt espargner pour si bonne

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occasion, oultre que le tout seroit bien remboursé pour

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ceulx qui desireroyent jouyr de leurs biens. J’açois que

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le meilleur seroit y fère une collonnie nouvelle, actendu

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leur meschante obstination, n’ayant jamais volu, avant

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les premiers troubles, obeyr ausdits arrestz de la court ;

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que ne se doibt oblier maintenant, voullant continuer

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comme ilz font. Ilz y preschent d’ordinaire en sept

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ou huict villaiges et ont plusieurs ministres, la pluspart

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estrangers, et disent qu’ilz obeyront au roy en tout, orsmis

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en cella que touche leurs consciences ; et me l’ont ainsi declairé

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naguières les plus principaulx, dont aulcuns se veullent

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[143] absenter, voyant le peuple si imbut et obstiné en ceste malheurté,

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tellement que pour leur fermer le commerce seullement, combien qu’il

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soit très necessaire pour les affoiblir et pour veoir cependent

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leur contenence, pour cella ne se reduyront jamais, d’autant

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que leur valée est attachée aux valéez d’Engrongne, de Saint-

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Martin et Luzerne, subgectz à son Altesse, qui ne larront pour

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toutes prohibitions de les secourir pour estre confederez, tout

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de noveau et tout d’une secte, comme ansemble sont la pluspart

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des valéez de Queyras et de Sezane, qui leur presteront tousjours

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la main comme ilz ont faict au passé, pour les favoriser de tout

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leur possible ; et fauldroit pour les engarder, une garnison

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de tous coustez ; et si y auroit affaire, car je cognoys le pays

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et les gens, et où vous treuverés à la fin autrement que ce dessus,

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quelques promesses qu’ilz facent. Je me soubzmectz à en porter

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la peine pour eulx, ou bien Notre Seigneur y mectroit la main

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dabonnessient pour les convertir et fère changer d’oppinion.

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Sur quoy je m’en remectz à son bon plaisir, m’asseurant que

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vous considerez le tout mieulx que ne vous scauroys escripre,

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me tenant sur ce tousjours prest pour obeyr à vous commandementz

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d’aussi bon cueur que je prie le Createur,

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Monseigneur, vous donner en bonne santé très longue et

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très heureuse vie. D’Exilles, ce XXIe octobre 1572.

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Votre très humble et

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très hobeyssant serviteur

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Lacasette

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